On imagine volontiers les ascètes indiens errants et solitaires, notamment les Nāth Yogī, ces disciples de Gorakhnāt, thaumaturges et adeptes du Hatha Yoga, célèbres depuis le XIIIe siècle pour leurs exploits et, à ce titre, héros de ballades chantées dans toute l'Inde du Nord. Mais, s’ils sont d’infatigables pérégrins, ils possèdent également des modes d’organisation bien établis, en particulier monastiques, grâce auxquels ce mouvement sectaire assure sa pérennité. C’est à ces monastères, point d’ancrage d’une tradition d’itinérance, que ce livre est consacré.
Il propose une description et une analyse de la complémentarité de deux types de monastères, les monastères communautaires dans lesquels les ascètes se réunissent autour des symboles et de rites partagés, et les monastères personnels, transmis de maître à disciple au sein d’une lignée.
Le monastère de Kadri-Manjunath à Mangalore (Karnataka) est le type même du monastère communautaire : nous verrons que l’intronisation du supérieur y est l’occasion, tous les douze ans, d’une grande célébration, précédée d’un pèlerinage à pied, long de six mois, entre Nasik et Kadri, réitération d’un mythe fondateur lié au dieu Parashurām et illustration de l’histoire religieuse complexe de cette région.
Les monastères personnels, ici ceux de Fatehpur dans la Shekhavati (Rajasthan) et de Asthal Bohar en Haryana, sont en revanche le lieu d’innovations, souvent liées à un changement de patronage : un accent mis sur la dimension dévotionnelle derrière le culte du guru et le développement de l’hagiographie, un nouvel intérêt pour les activités caritatives, une ouverture aux laïcs mise en évidence lors de la cérémonie fastueuse tenue à Fatehpur pour leur bénéfice et caractérisée par un sacrifice qui se veut « védique ».
Ce livre présente la richesse et la diversité des institutions et des orientations qui concourent, derrière l’atomisation des pratiques individuelles, à faire des Nāth Yogīs une tradition sectaire vivante et cohérente.
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